Irak heeft duizend Gandhi’s nodig

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Mgr. Yousif Thomas Mirkis o.p. was begin oktober even in Nederland. Op uitnodiging van Kerk en Vrede en de Katholieke Vereniging voor Oecumene sprak hij op 9 oktober in het Nicolaas-Monica centrum in Utrecht over de situatie in zijn land. Hert was een indringend getuigenis dat gehoord moet worden. Een week eerder gaf mgr. Mirkis een interview aan François d’Alançon van la Croix dat we hier in het Frans overnemen. Het artikel in la Croix verscheen op 3 oktober

Pour Mgr Yousif Thomas Mirkis, archevêque chaldéen de Kirkouk et Souleymanieh, dignitaire chaldéen, originaire de Mossoul, l’Irak a besoin de « leaders désintéressés qui ne réduisent pas la politique à la recherche du pouvoir ».

La Croix  : Q uelle est la situation pour les chrétiens dans le nord de l’Irak ? 

Mgr Yousif Thomas Mirkis : Kirkouk, à dix kilomètres du front, a été épargnée grâce à la protection assurée par les peshmergas kurdes. Le diocèse de Kirkouk et Souleymanieh compte environ 10 000 chrétiens. Depuis le mois de juillet, ces chrétiens ont accueilli près de 5 000 autres coreligionnaires réfugiés, venus de Mossoul et des villages chrétiens de la plaine de Ninive.

Dès le mois de juin, nous avons distribué de l’aide humanitaire aux réfugiés musulmans quand des villages turkmènes et chiites ont été attaqués dans les environs de Kirkouk. À Mossoul, à la mi-juillet, quand des maisons de chrétiens ont été taguées avec la lettre « N » comme Nasrani (chrétien), les chrétiens ont eu le choix entre devenir musulman, payer la jizyah (l’impôt dû par les non-musulmans) ou prendre la fuite.

La plupart sont partis, rançonnés et dépouillés aux barrages. Environ 200 sont restés, des handicapés, des malades et des personnes âgées.

Comment en est-on arrivé là ? Mgr. Mirkis 12 IMG 9300 267x400

Mgr Y. T. M. : L’ex-premier ministre Nouri Al Maliki n’a jamais fait confiance aux sunnites et il a cru pouvoir diriger le pays sans eux. Cela n’a pas marché. La paralysie des institutions à Bagdad a créé un appel d’air, un vide politique et sécuritaire dans lequel l’organisation État islamique (EI) s’est engouffrée.

L’armée s’est effondrée et les soldats ont pris la fuite. Au début, la population a accueilli les djihadistes à bras ouverts parce qu’elle en avait assez d’être marginalisée. Aujourd’hui, ces mêmes djihadistes commencent à exaspérer la population. À Mossoul, en juillet, Ghada Shafiq, une gynécologue, a été tuée pour avoir protesté contre l’ordre donné aux femmes médecins de porter le niqab et des gants à l’intérieur des hôpitaux. Mahmoud Al Asali, un professeur de droit, a été tué pour avoir pris la défense des chrétiens.

En septembre, Samira Saleh Al Naimi, une avocate défenseuse des droits des femmes, a été enlevée, torturée et assassinée, accusée d’apostasie parce qu’elle avait dénoncé la destruction d’édifices religieux. Un proverbe irakien dit « Quand on voit la mort venir, on accepte d’avoir la fièvre ». La fièvre, autrement dit le gouvernement central, pourrait bien devenir un moindre mal pour la population.

La coexistence entre les communautés irakiennes est-elle durablement compromise ? 

Mgr Y. T. M. : L’histoire islamique est une histoire de lutte pour le pouvoir. L’islam n’a pas fait de travail sur lui-même, ce travail de mémoire nécessaire pour quiconque veut regarder l’avenir. Aujourd’hui, la religion est instrumentalisée dans une logique de surenchère, une course à l’extrémisme. Les musulmans du Moyen-Orient se sont embourbés dans le piège de leurs contradictions. Les chrétiens peuvent les aider à sortir de cette claustrophobie meurtrière.

Comment trouver un modus vivendi entre chiites, Arabes sunnites et Kurdes ? 

Mgr Y. T. M. : L’Irak a besoin de leaders humbles et désintéressés qui ne réduisent pas la politique à la recherche du pouvoir. Le pays trouvera peu à peu son équilibre en confiant les responsabilités, dans la transparence, à des personnalités compétentes sur la base du mérite, indépendamment de l’appartenance communautaire.

L’Irak a besoin de milliers de Gandhi. La démocratie ne viendra pas de l’extérieur mais d’un sursaut de l’intérieur.

Les chrétiens sont-ils condamnés à l’exil ? 

Mgr Y. T. M. : L’État islamique s’en prend aux minorités locales : chiites, kurdes, turkmènes, shabaks, yézidis, chrétiens. Pour ces derniers, la tentation de fuir ne date pas d’aujourd’hui. Depuis 2003, un demi-million de chrétiens irakiens, soit près des deux tiers de notre communauté ont pris le chemin de l’exil. Parmi les 400 000 qui restent – les plus résilients –, beaucoup désespèrent.

La diaspora leur communique une forme de neurasthénie. Certains affirment qu’ils n’ont plus de place dans le pays, préférant aller laver les carreaux aux États-Unis ou en Australie, plutôt que de devenir médecin ou professeur d’université en Irak. Je leur dis que si nous succombons à la tentation de l’émigration, nous faisons le jeu des extrémistes.

Les chrétiens ne sont ni des immigrés, ni une minorité marginale, mais des habitants de l’Irak qui ont servi ce pays depuis des siècles. La majorité silencieuse des musulmans nous demande de ne pas partir, nous, « le sel de la Mésopotamie », comme dit un intellectuel chiite. Les chrétiens qui resteront ne seront pas nombreux, mais ils auront un rôle de pont important à jouer dans la reconstruction des esprits. 

 

Foto: mgr. Yousif Thomas Mirkis o.p. (foto Aartsbisdom Utrecht)